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L’environnement bancaire, économique et financier en 2014

Mr Jean-Paul Betbèze, actuel président de Betbèze Conseil, ancien chef économiste et directeur des études économiques du Crédit Agricole, nous a proposé une conférence ce jeudi 29 janvier à l’occasion de la cérémonie des remises des trophées ITB.
Cette conférence avait pour objectif de présenter sa vision du paysage bancaire, économique et financier en 2014. Cette année 2014 peut, selon lui, se décomposer en quatre tournants essentiels : le tournant américain, chinois/BRICs, européen et français.

Le tournant américain

Dans un contexte de crise et de surendettement problématique qui va nous accompagner pendant encore longtemps, la question que nous nous posons est « Comment atténuer cette crise en normalisant les taux d’intérêt américains, sans (trop) inquiéter » ?
Pour résoudre leur problème de dette, les autorités américaines ont, en réalité, décomposé leur dette en deux « paquets » distincts, si l’on peut dire : le paquet de la dette privée et celui de la dette publique. La priorité n°1 a alors été de résorber la dette privée, car c’est celle-là même qui est source des plus grands risques, notamment la dette des acteurs bancaires et financiers. Il est ensuite possible de traiter la dette bancaire et financière, des entreprises, puis celles des ménages.
La FED mène ainsi une politique monétaire dite d’UMP (Unconventional Monetary Policy) qui consiste, par le recours au quantitative easing, à acheter des bons du trésor tout en agissant sur les anticipations d’inflation et la courbe des taux. Autrement dit, la FED décide de baisser les taux d’intérêt à court terme, puis les taux longs, donc le dollar en le rendant moins attractif, et d’un autre côté les autorités politiques pèsent sur le coût de l’énergie en optant pour l’exploitation du gaz de schiste, tandis que la crise – avec la montée du chômage – fait baisser les salaires.
La façon dont les Américains gèrent cette crise est donc très spécifique, en mettant en avant les effets richesse : actifs boursiers et actifs immobiliers. Pour autant, et même si l’économie repart et, si le Dow Jones remonte, rien n’est résolu du côté de la dette publique puisque, début février, planait à nouveau le risque d’une nouvelle situation de cessation de paiement des autorités publiques.
Au total, si les américains ont été les premiers à plonger dans la crise, ce sont également les premiers à en sortir, notamment grâce à leur stratégie récente de tapering (réduction des achats de bons du trésor) ou de normalisation des taux. Cette stratégie s’accompagne d’un comportement de « forward guidance » par la Fed, qui leur est profitable – si elle est bien menée. Les taux américains devraient ainsi remonter graduellement tout au long de l’année 2014 selon les prévisions de l’économiste.

Le tournant chinois et les BRICs

Si les BRICs ont à une époque suscité notre admiration et nourri notre espoir de les voir nous secourir, ces économies nous semblent moins attrayantes aujourd’hui.

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Évolution de la part des prêts bancaires dans le crédit à l’économie chinoise depuis 2002. Sources: Betbeze Conseil / HSBC / Bloomberg.

En effet, leur difficulté majeure réside dans le fait qu’à chaque tentative de désendettement de leur part, notamment en Chine, apparaît un phénomène de « shadow banking ». Autrement dit, un système de financement non bancaire présentant des risques conséquents se développe.
Jean-Paul Betbèze conclut sur une remise en question des estimations relatives aux risques et à un manque de visibilité comparé au modèle que nous offre le système américain.

Le tournant de la zone Euro

On l’a compris, la crise est profonde et la cure sera longue. Elle durera plusieurs années – notamment en zone euro.
Le système européen est en effet rempli de fragilités, le cas grec ayant été le plus manifeste. Il n’en reste pas moins que ce système est une « famille » et qu’il serait plus dangereux encore de la détruire (par l’expulsion d’un membre) que de la corriger.
En 2012, les responsables politiques ont ainsi affirmé : « L’Euro est irréversible ». Plus tard, devant la crise qui montait en Espagne et en Italie, le président de la BCE Mario Draghi avait ajouté que la BCE ferait « tout ce qui est en son pouvoir » pour préserver l’Euro.
Dans le cadre de la crise de la dette dans la zone Euro, la BCE a alors mis en place la possibilité d’un programme d’achat d’obligations de dettes souveraines pour alléger les tensions intérieures, sous fortes conditions. Il s’agit là d’une possibilité, d’une pièce à l’arsenal, car elle n’a pas été utilisée. Perçue comme une sorte de tutelle, cette solution extrême n’a en effet été utilisée par personne. Mais l’opération psychologique a pourtant bel et bien fonctionné et les taux d’intérêt à long terme ont baissé pour ces deux pays, et ceci les a sauvés !
En même temps, afin de diminuer le déficit budgétaire de façon durable, la BCE a dû se pencher sur le renforcement des banques de la zone Euro. Les banques doivent dorénavant augmenter leurs fonds propres, mieux gérer leurs liquidités tandis qu’elles sont plus suivies qu’auparavant.
Un travail important de structuration est donc en cours, pour que le système bancaire européen soit officiellement reconnu comme résistant. Si le système a tenu le coup, il faut néanmoins reconnaître ses risques potentiels et accepter le régime auquel il a été, et reste, soumis. D’où la nécessité de la logique en cours de surveillance à partir d’une entité unique, près de la BCE.

Le tournant français

Il y a un an, acheter de la dette française était considéré comme une transaction très sûre, sans comparaison avec des achats de bons italiens ou espagnols. Aujourd’hui, les pays du sud ont fait beaucoup d’efforts et la France ne peut plus se baser sur un jugement passé. **Une modernisation du système public et du système privé s’impose** ici, pour avoir plus de croissance et réduire la dépense publique. Si la France n’est pas un pays toujours simple à réformer, cette mutation est indispensable pour accéder à une croissance de 1.5 à 2% qui relancera notamment l’emploi.
Les taux en France augmentent et ils remonteront partout ailleurs. Il est essentiel pour notre pays d’adopter un discours positif pour accompagner les réformes. Ce ne sera pas facile mais, encore une fois et malgré les turbulences rencontrées, les banques françaises ont tenu la distance et restent des valeurs sûres.

Des réformes nécessaires à une croissance mondiale

Jean-Paul Betbèze conclut sur une note positive en affirmant qu’il faut « faire avec cette crise », réduire la dette publique et privée, moderniser nos organisations pour croître davantage. C’est donc une fantastique opportunité de changement qui se présente.
Les banques ne changeront pas le fond de leur métier mais elles devront s’adapter à cet univers. Elles aideront, financeront et guideront les entreprises, les consommateurs et les collectivités publiques. Elles fonctionneront, de plus en plus, avec les marchés et les nouvelles technologies. C’est ainsi que nous sortons et sortirons d’affaire.
La situation économique mondiale va s’améliorer, la désinflation que nous connaissons ne va pas durer et la déflation sera évitée – mais rien ne sera rapide. Tout est affaire de clairvoyance et de courage.