
Depuis un peu plus de 2 mois, on voit une défiance monter sur les actifs américains, c’est-à-dire les Treasuries (obligations fédérales), les actions américaines et le dollar à la faveur de la conjonction de plusieurs facteurs : une monnaie surévaluée, un marché actions surévalué, des déficits jumeaux croissants (déficit budgétaire et déficit de la balance extérieure) et une politique commerciale et diplomatique agressive et erratique.
C’est évidemment pendant le quasi bear market (marché baissier actions) récent (19 février – 8 avril) que ce phénomène s’est manifesté, et tout particulièrement à partir du Liberation day du 2 avril.
On sait que pendant les baisses boursières sévères, 3 phénomènes se produisent usuellement : le dollar monte, les taux longs baissent et les actions américaines surperforment dans la baisse. Rien de tel ne s’est produit ici.
On a vu au contraire la formation d’un stress élevé sur les actifs américains, particulièrement sévère entre le 2 et le 9 avril (volte-face de D Trump).
Et depuis le démarrage du rally boursier que nous avons connu depuis le 9 avril, on ne peut pas dire que cette prime de risque se soit fortement comprimée. Certes, le dollar s’est stabilisé mais sans retrouver son niveau antérieur. Le S&P 500 n’a retracé qu’une petite partie de sa sous-performance relative antérieure.
Et, plus encore, les taux longs se sont tendus. Au début cela a reflété une diminution des craintes de récession après la volte-face de Trump et la désescalade commerciale avec la Chine. Mais cela s’est poursuivi ensuite pour de mauvaises raisons : dégradation du rating de la dette fédérale par Moody’s, discussions sur le projet budgétaire (expansif) de l’Administration fédérale et médiocrité des adjudications d’obligations du trésor américain, avec une liquidité quelque peu dégradée.
La question du déficit des comptes publics et de la balance extérieure (déficits jumeaux) nous paraît plus préoccupant que l’activisme de Trump. De tels déficits ne sont pas nouveaux dans l’histoire contemporaine des USA (c’est même une quasi-constante depuis les années 80), mais ils n’avaient jamais été aussi profonds (cf. graphique ci-dessous).

Ils reflètent avant tout une croissance des besoins de financement américains non couverts par une épargne nationale suffisante. Et ce, avec des difficultés croissantes pour faire appel à l’épargne étrangère, pour des raisons économiques et politiques. D’où des taux longs qui restent élevés depuis 3 ans malgré la baisse des anticipations d’inflation et l’assouplissement monétaire depuis 2024.
Au total, il est plausible de penser que la dérive budgétaire et l’interventionnisme trumpien aient contribué à une forme de prime de risque sur les actifs américains, bien qu’il soit très difficile de la quantifier.
Nous ne croyons pas pour autant à l’extinction définitive de l’exceptionnalisme américain. D’abord Trump n’est pas éternel et nous persistons par ailleurs à penser qu’il ne reviendra pas sur le niveau de tensions commerciales observé le 2 avril.
Au-delà, les Etats-Unis demeurent une nation exceptionnelle au sens propre du terme, indépendamment de tout jugement de valeur de nature politique ou culturelle. Les États-Unis restent, et resteront au cours des prochaines années, la première puissance de la planète dans la plupart de ses composantes, notamment en matière économique, financière et monétaire.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons que le dollar restera la première référence monétaire internationale (quelle que soit sa valeur) pour les prochaines années. C’est pourquoi nous estimons également que le rôle directionnel des marchés actions et de taux américains restera dominant.
Mais, pour le court terme, il n’est pas inutile de prémunir contre la défiance en réduisant l’exposition dollar (en faveur du Franc suisse), sur pondérant l’or et en sous-pondérant les actions américaines contre le reste du monde.