
MSCI China a très nettement sur performé les marchés occidentaux et émergents depuis le début de l’année, en dégageant même une performance absolue positive, en particulier la tech chinoise. Même s’il faut reconnaître que la performance s’est quelque peu érodée après le liberation day du 2 avril (cf. graphique ci-dessous).

Quid de la suite ?
Il peut paraître extravagant de se poser une telle question alors que la Chine est la principale « cible » du protectionnisme américain.
Le tarif effectif moyen sur les importations chinoises aux USA est désormais en effet à un niveau proche de 120 %. Avec un tel niveau de tarifs, cela devrait selon nous entraîner un effondrement des importations américaines d’origine chinoise de plus de 70% (compte tenu de l’élasticité prix moyenne de la demande américaine aux importations de Chine).
Rappelons cependant que la Chine est moins dépendante des débouchés américains qu’antérieurement (14,6% des exportations chinoises en 2024 vs 21,6% il y a 20 ans).
Et les exportations dirigées vers les USA ne représentent que 2,6% du PIB chinois.
Rappelons aussi et surtout que l’impact sera limité par le reroutage des exportations chinoises via des pays tiers (Thaïlande, Vietnam, …) qui ne subiront de leur côté (en l’état actuel) que des droits de douane de 10% depuis la décision de Trump le 9 avril de suspendre les droits de douane réciproques pendant 3 mois. Bien sûr, l’équilibre actuel reste néanmoins fragile.
Au total, l’impact négatif des tarifs américains devrait se limiter à un peu plus de 0,5 point de PIB selon le degré de reroutage des exportations chinoises.
Quant à la conjoncture chinoise, elle a montré d’indéniables signes de redressement avant les décisions américaines. La croissance a ainsi dépassé les attentes en glissement annuel au T1 (+5,4%). Une amélioration confirmée par les derniers indicateurs de confiance, aussi bien au niveau des entreprises que des consommateurs.
La conjoncture domestique va aussi bénéficier d’importantes mesures de soutien public. Rappelons que lors de l’Assemblée Nationale Populaire de mars dernier, les autorités ont annoncé une cible de croissance 2025 « proche de 5% ».
C’est pourquoi le déficit budgétaire officiel a été relevé à 4% du PIB. C’est plus qu’en 2020, l’année du Covid (3,6% de déficit en 2020) et qu’en 2009 l’année du choc dépressif post-Lehman (3% de déficit en 2009).
Au total, le budget au sens large dépasse les 11 000 mds de yuans (8,8% du PIB). C’est 2 800 mds de yuans de plus qu’il y a un an, soit une impulsion de l’ordre 2,2 pts de PIB.
La People ‘s Bank of China devrait de son côté baisser ses réserves obligatoires, sachant que cela est nécessaire en complément du plan de recapitalisation du secteur bancaire pour soutenir le crédit. Elle devrait aussi aller au-delà, en baissant ses taux directeurs de 10 à 30 pb, en fonction de l’attitude la Fed. Ajoutons que cette politique devrait favoriser la poursuite de la baisse du yuan, cela étant d’ailleurs une réponse naturelle aux tarifs (et aux pressions déflationnistes).
Au total, une croissance proche de 4,5% en 2025 est tout à fait envisageable pour la Chine.
Il y a par ailleurs matière à penser que Trump ne reviendra pas sur la posture agressive du liberation day compte tenu du coût économique (hausse du stress financier et des taux longs, glissade du dollar) et politique (baisse de ses soutiens républicains), d’où sa volte-face du 9 avril et ses concessions sur les produits chinois.
L’argument suivant lequel la Chine est nécessairement perdante car elle est excédentaire à presque 300 Mds de dollars vis-à-vis des produits américains est fallacieux. Beaucoup de produits chinois exportés ne peuvent être remplacés par une production américaine ou étrangère, sauf à un coût prohibitif. La Chine fournit par ailleurs 70% des terres rares importées aux USA, dont certains éléments sont essentiels à la fabrication de produits-clé aux USA. La hausse de ses propres droits de douane est aussi de nature à certains producteurs américains (soja, coton) politiquement sensibles aux USA.
Pour le reste, le marché chinois n’est pas particulièrement cher : les valorisations absolues, malgré une hausse au cours des derniers mois, restent sous leur moyenne historique.
Au total, il faut sans doute rester neutre en l’état sur le marché chinois compte tenu des risques exogènes et de volatilité.
Néanmoins, nous pensons qu’il faut conserver un biais positif de moyen terme (6 mois), en axant la stratégie sur les valeurs tech (IA), domestiques (immobilier et banques) et susceptibles de bénéficier des mesures de relance interne. Même remarque pour les secteurs qui bénéficieront des défis posés par l’Administration Trump (exportateurs vers les zones tierces, industries de substitution aux importations américaines, …).