

Malgré l’actuel assouplissement monétaire de la BCE, les taux de moyen et long terme se tendent sur les marchés obligataires et une hausse des taux de la BCE est même anticipée pour 2026.
Les marchés l’ont attendue, elle est venue, mais elle pourrait rapidement s’arrêter. La baisse des taux des banques centrales, à l’œuvre depuis juin 2024 en zone euro et septembre 2024 aux États-Unis, fait face au retour du risque inflationniste.
Europe : une anticipation en « V » sur les taux de la BCE
Certes, pour les prochains mois, les anticipations ont peu évolué en Europe. Le marché intègre toujours quatre baisses des taux de la BCE jusqu’en septembre 2025, ce qui ramènerait le taux de dépôt de la banque centrale (et donc le rendement des fonds monétaires) autour de 2%, contre 3% actuellement et 4% il y a un an. C’est après cette date que les choses se compliquent. Le marché n’intègre plus aucune baisse des taux de la BCE pour le T4 2025, mais surtout, un basculement a eu lieu sur les anticipations 2026, année pour laquelle le marché anticipe désormais une hausse des taux directeurs de 25 points de base.
En cause : la crainte d’un rebond de l’inflation. Les raisons sont multiples : possible hausse des droits de douane avec les États-Unis, rebond des prix du gaz (revenus à 50 EUR/MWh, au plus haut depuis 2023) et nette baisse de l’euro face au dollar (liée à la politique de la BCE), renchérissant le coût des importations. En clair, les marchés anticipent que plus la BCE baissera ses taux, plus le risque inflationniste sera ravivé, ce qui amènerait finalement la BCE à faire volte-face l’an prochain. On notera par ailleurs que l’inflation a déjà entamé un rebond progressif en zone euro, passant de 1,7% en septembre à 2,4% en décembre (données en glissement annuel). Ce changement est important car au lieu d’être en-dessous de la cible de la BCE à 2%, l’inflation est désormais repassée au-dessus.
États-Unis : les marchés intègrent un quasi-statu quo de la Fed
Aux États-Unis, la volte-face du marché n’est pas nouvelle. Elle a démarré au mois d’octobre et s’est accentuée le 18 décembre avec la publication des anticipations de taux de la part des membres de la Fed. Avec une prévision moyenne de seulement deux baisses de taux pour 2025, la Fed a confirmé qu’elle serait nettement plus prudente en matière de politique monétaire.
Le marché doute même que cette prévision se réalise. D’après le baromètre CME FedWatch au 27 janvier, le marché n’intègre que 50% de chance de voir la Fed baisser ses taux à deux reprises cette année, et 50% de chance de la voir baisser ses taux à une seule reprise ou d’opter pour un statu quo.
Et pour cause : avant même l’investiture de Donald Trump le 20 janvier et la mise en place d’un programme potentiellement inflationniste, l’indice des prix à la consommation avait déjà commencé à se redresser en fin d’année 2024. En décembre, l’inflation en glissement annuel est revenue à 2,9%, contre 2,4% en septembre. Même problème qu’en Europe pour la banque centrale : alors que l’inflation revenait vers sa cible, elle s’en éloigne de nouveau.
Des marchés obligataires tendus
Sur les marchés obligataires, les mouvements de taux ont été importants dans ce contexte. En décembre et janvier, les taux se sont particulièrement tendus sur les échéances de moyen et long terme. En France, le taux de l’OAT à 10 ans est par exemple remonté à 3,3%, contre 2,8% début décembre. Même phénomène pour le taux à 2 ans, remonté à 2,5% contre 2,1% début décembre. Seuls les taux de très court terme (échéances inférieures à un an) ont poursuivi leur baisse dans le sillon des taux directeurs de la BCE.
Le même phénomène s’est observé ailleurs en Europe (Allemagne notamment), mais également aux États-Unis, où le taux à 10 ans est remonté à 4,6%, contre 3,6% en septembre, et le taux à 3 ans à 4,3% contre 3,4% en septembre. On notera que le phénomène participe très activement à une « repentification » de la courbe des taux avec, pour les investisseurs, des échéances de long terme désormais mieux rémunérées que les échéances de court terme.