
Après la démission de F Bayrou, les incertitudes demeurent sur le marché des obligations françaises avec un spread (écart) de taux longs 10 ans d’environ 10 pb (à 80 pb) par rapport au bund allemand. Va -t-on vers une aggravation de ce stress avec un nouvel élargissement du spread, une contamination du système bancaire voire des fuites de capitaux qui amènerait la France en récession ce qui alimenterait une nouvelle dégradation des finances publiques.
En l’état actuel des choses, nous ne le pensons pas.
Certes, plusieurs nouveaux éléments sont inquiétants par rapport au passé contemporain :
- Le niveau élevé de la dette publique (115% du PIB)
- L’instabilité politique désormais chronique depuis l’été 2024, en comparaison d’une Italie bien calme depuis presque 3 ans
- La très faible crédibilité historique des autorités à maîtriser les dépenses publiques
- La très faible marge de manœuvre pour augmenter les impôts
- La forte détention de la dette par les non-résidents (> 50%) qui la rend vulnérable
- La très faible croissance économique
- Le risque élevé de tensions civiles
Mais d’un autre côté, il y a aussi des facteurs de nature à contenir l’ampleur des perturbations :
- D’abord, la balance courante est quasi-équilibrée (une différence avec l’Europe du Sud du début des années 2010)
- Le taux apparent sur la dette faible (<2%) reste encore assez faible (sachant que le Trésor français bénéficie encore des taux très bas et même négatifs de la fin des années 2020), de même que le poids du service de la dette en proportion du PIB (~2%)
- Les outils de la BCE pour intervenir si besoin ultérieurement
- Le caractère systémique de la France (19% du Pib de la zone euro, puissance militaire et nucléaire) qui poussera les partenaires européens à réagir
Qu’en serait-il s’il n’y avait aucune majorité pour voter la prochaine loi de finances au 31 décembre ?
Cela s’est déjà produit l’an dernier, à la suite notamment de la censure contre le gouvernement Barnier. Une loi spéciale avait été votée fin 2024 (LOLF article 45), cette dernière permettant la perception de l’impôt et le recours à l’emprunt pour l’Etat sur les marchés. En outre, les décrets de services votés avaient été mobilisés (article 47 de la Constitution) ouvrant la voie à un maintien des dépenses publiques au niveau de 2024 en l’attente d’un vote définitif sur le budget 2025.
Ce n’est qu’en février 2025 que le budget négocié en Commission mixte paritaire (députés et sénateurs) avait été adopté, le nouveau gouvernement Bayrou engageant sa responsabilité via l’article 49.3 et n’étant pas censuré cette fois-ci.
Si aucun accord n’était trouvé -même au début 2026- il resterait l’approche dite de « l’année blanche » qui consiste à geler partiellement ou totalement les dépenses publiques.
Bien sûr de nouvelles tensions sont susceptibles d’apparaître à la faveur de tensions sociales et/ou politiques. Mais en l’état, on peut considérer que les « mauvaises nouvelles » sont intégrées dans les prix des emprunts d’Etat français et que les niveaux actuels permettent d’embarquer du rendement dans les portefeuilles.